Mémoire de l’eau, fluidité des énergies.
mercredi, 12 mars 2014
Étape 45 de la Plate-Forme nationale « Créativités & Territoires »
Le Pavillon de l’eau, 77 avenue de Versailles dans le 16ème arrondissement est un haut bâtiment du XIXème siècle, en lisière de Seine, dédié au relevage des eaux, puis à la mémoire de l’eau de Paris. Accueillis par Françoise Escorne, responsable de ce vaisseau de brique et de pierre, nous avons pris avec elle la dimension muséale d’une énergie fluide et souterraine qui fascine, car elle correspond à une demande vitale. L’eau irrigue la créativité de la planète sous ses formes les plus subtiles. Nous avons continué à bas bruit la discussion entre les parois bleues et vertes du musée, calés sur des tabourets aux coques translucides, ou accoudés sur les tables-flaques en formica blanc de la salle pédagogique. Toutes couleurs et formes qui suggèrent, pour ne pas avoir à la décrire, l’incertaine palette de cette matière primordiale.
Au XIXème siècle, l’eau était perçue comme le sang de la capitale, permettant l’industrialisation et force motrice de l’économie. Au XXème siècle, le cerveau sert de modèle à l’ordinateur. Pour stimuler l’innovation, nous avons besoin de puiser au plus profond de nos corps les analogies créatives. La fluidité des expériences du passé et du présent, nous servira de guide pour cette trop rapide quarante-cinquième étape en gouttes d’eau. Cette navigation prend donc le relais de la quarante-troisième rencontre « Des pierres et des hommes » de la rue François Miron et explore, sur l’exemple parisien, un enjeu crucial de l’autonomie démocratique du XXIème siècle[1].
Forçons le temps de la rêverie sur cet espace d’exposition qui rassemble des cartes, des plans, des images et quelques objets historiques et pédagogiques : une ancienne conduite d’eau en bois noirci, une barque goudronnée dont les fontainiers se servaient naguère pour naviguer dans l’aqueduc, sont désormais suspendus sur le ciel de la salle. L’immensité de la bâtisse, une ancienne usine de relevage, traduit pour les générations sans souci, les expériences que des ingénieurs hardis ont su mettre en œuvre sous la direction du polytechnicien Marie Eugène Belgrand (1810-1878). Ce géologue, hydrologue et ingénieur Ponts & Chaussées, pur produit de cette République des Savants que la Révolution française a voulu créer, participe aux côtés du baron Haussmann à la rénovation de Paris entre 1852 et 1870 : on lui doit les égouts de Paris, les aqueducs de la Vanne, d’Arcueil, de Cachan, de la Dhuis ainsi que le réservoir de Montsouris qui en stocke les eaux. Belgrand a également été au XIXème siècle, l’historien le plus important des ouvrages d’art parisiens dédiés à l’eau. Grâce à l’œuvre immense de Belgrand, les Parisiens cessèrent d’alimenter leur table en eau de la Seine et la population cessa de craindre le choléra qui, en 1832 fit plus de dix neuf mille victimes en six mois.
L’œuvre de Belgrand n’est plus enseignée dans les écoles, alors que chaque écolier apprend le rôle d’Haussmann : nos enseignements valorisent le patrimoine immobilier, non les ouvrages d’art dédiés au collectif. Un buste en plâtre symbolise ici le patron de l’assainissement parisien, dont une rue modeste, enserrée dans le quartier de Saint-Fargeau non loin du réservoir de Belleville, porte le nom. Dans ses parcours antérieurs, l’Institut Charles Cros avait soutenu la dimension inspirée des sculptures[2] de Jacques Servières, plasticien autodidacte : sur un terrain vacant en boucle de la Marne (commune de Chessy en Brie), qui abrita naguère un port viking, il érige des formes monumentales avec les pierres de l’aqueduc aérien de la Dhuys, bombardé par les Allemands en 1944. Rien ne se perd dans la créativité : les lieux sont toujours irrigués des eaux du souvenir qui attendent en grâce, une résurgence.
Paris capitale rejoint le pari de l’autonomie.
Dans cette perspective souterraine, mais vitale, la capitale représente une double singularité historique. Aujourd’hui, les territoires français sont alimentés en eau potable par les seuls opérateurs privés (Veolia et Lyonnaise des Eaux). À rebours, et dans la tradition des villes d’eau (Chaudes-Aigues par exemples), l’eau de Paris arbore une régie municipale, Eau de Paris, depuis la décision en 2009 de son maire Delanoë[3]. Cette volonté d’autonomie publique correspond donc à une initiative rare dont la dimension historique s’explique par la densité de la population, les expérimentations politiques impériales (des Romains à Haussmann) et une véritable pensée du développement durable. Ce modèle d’autonomie fait aujourd’hui des émules en Ile-de-France : Viry-Châtillon, Juvisy, Grigny entreprennent le pari de la Régie municipale de l’eau.
De fait, les eaux de Paris sont acheminées depuis le milieu du XIXème siècle, des sources de la région de Dreux à l’Ouest, de Socques au Sud et de Provins à l’Est (Seine & Marne) sur des distances qui peuvent atteindre cent cinquante kilomètres. Le bassin parisien alimente aussi les eaux de Paris par relevage des eaux de la Seine et de la Marne. Enfin, pour garantir l’indépendance de la capitale, le service des eaux protège une nappe phréatique fossile ferrugineuse, qui se renouvelle lentement (trois mille années de filtrage contre quatre ans pour les sources de Seine & Marne) dans les profondeurs de Paris. Cette nappe dite de l’Albien a été largement exploitée de 1851 à 1935, puis progressivement laissée en réserve d’exploitation : seules quatre fontaines témoignent encore de cette richesse aquatique profonde issue des cent millions d’années du Crétacé.
Penser le développement durable c’est penser l’eau et la pierre dans leurs applications multiples : l’hygiène et le confort des personnes. Le développement des aqueducs par les Romains, relayés par les travaux de Belgrand[4], s’appuie sur des principes sanitaires forts. Nous rejoignons par cette entremise une des formes fondamentales de la philosophie qui nait en Grèce et renait comme source de pensée sous la Renaissance. Les Grecs, et après eux les Romains, définissent les vertus praxiques, c’est-à-dire agissantes, de la philosophie autour de trois principes : la politique, l’économie et l’éthique. La réflexion sur l’eau combine à elle seule les trois axes de cette philosophie concrète, donnant aux édiles et aux ingénieurs cette capacité topique que les anciens nommaient imagination et que nous décrivons aujourd’hui sous le terme de créativité. Bachelard remarquait que plus que tout autre bâtiment, les ouvrages d’art qui canalisent et acheminent les eaux sont parmi les architectures contraintes les plus contrariées : l’eau passe par des ponts au lieu d’être enjambés par eux.
L’original est parisien, le modèle copié par tous
L’eau nécessaire à la vie, interpelle les sciences et les technologies à de multiples niveaux de cohérence. Au-delà des sources guérisseuses reconnues par les Anciens, l’eau propre à la consommation est analysée, jusqu’au XIXème siècle, par les deux seuls critères organoleptiques du goût et de l’odeur. Aujourd’hui, plus d’une soixantaine de tests sont effectués sur la qualité de l’eau, traquant pourritures, polluants, produits médicamenteux, et, depuis dix ans, les nitrates. Il y a davantage de nitrates sur les bottes de radis et de salades des champs que dans l’eau courante et les Parisiens conscients de cet avantage commence à promouvoir des « bars à eau » comme il y a des bars à vins. L’eau de Paris, fraiche ou tiède selon l’origine des conduites souterraines, est d’une qualité comparable à celle capturée sur le site d’Évian, qui jouit depuis 1790 du titre officiel d’« eau bénéfique ». Le fleuve offre désormais une véritable qualité de vie aux poissons, les « compagnons de santé » des hommes : depuis que les pollueurs paient sur les deniers de l’entreprise le coût des déchets ceux-ci sont de plus en plus traités et recyclés à l’émission. Sous l’impulsion de la municipalité, la Seine se repeuple en espèces aquatiques : trente-deux espèces de poissons y fraient désormais contre quatre en 1995. Les saumons repeuplent les eaux par milliers depuis 2009, retrouvant des routes séculaires de leurs aînés migrateurs : : la ville de Suresnes s’enorgueillit d’avoir pêché son premier gros saumon atlantique en 2009, une espèce qui avait disparu de ses eaux depuis la moitié du XXème siècle.
La Ville offre enfin une caractéristique unique au monde, celle de disposer, toujours grâce à Belgrand, de deux circuits publics distincts : l’une non potable alimente les arrosages publics, l’autre potable pour les usages humains. De fait, la consommation en eau a diminué depuis trente ans d’un tiers, par une meilleure gestion citoyenne, le départ des entreprises, la faiblesse d’occupation des immeubles (célibataires) et d’une manière générale, une prise de conscience des dangers du gaspillage. Certains immeubles vétustes, aux canalisations anciennes, peuvent présenter encore des conduites à risque : l’eau des tuyaux reflète en ce cas le laisser-aller, négligent ou coupable, des propriétaires. Un vieux proverbe irlandais dit quelque chose comme : « un gaspillage d’eau est un gaspillage de bien ». Pour limiter l’inutile abus des achats en eau, un travail pédagogique est effectué en direction des populations immigrées les plus pauvres qui, issues de pays aux conditions sanitaires douteuses, font le choix des eaux minérales pour leur famille.
Pour mémoire, Belgrand nommé en 1867 directeur des Eaux et des Égouts de Paris, réalise le réseau égoutier en parallèle de celui des eaux potables. En 1878, six cents kilomètres sont construits pour atteindre aujourd’hui deux mille quatre cent kilomètres. Les eaux de la rive gauche passent sous la Seine par des siphons et rejoignent celles de la rive droite pour être rejetées en Seine à Clichy. Ces vastes galeries ont permis de très nombreux usages complémentaires (télégraphe, téléphone, tubes pneumatiques, et aujourd’hui câbles de télécommunication publics ou privés).Un profil de voies urbaines aujourd’hui familier s’est ainsi imposé pour les métropoles mondiales, tel qu’en témoigne un article élogieux de la revue de Polytechnique, La Jaune et la Rouge : » Des trottoirs en léger dévers, contenant le réseau, revêtu d’asphalte […]; chaussée légèrement bombée et pavée pour écouler l’eau pluviale dans les caniveaux. […] Très vite, cette infrastructure discrète et imperméable est copiée à Saint-Pétersbourg, Berlin, Vienne… L’original est parisien ; le modèle universel. »
En Perse ancienne, uriner dans une rivière était puni de mort. En Gaule, les sources étaient des lieux sacrés. L’usage fondamental, le sacré, la gratuité et la beauté cheminent de pair. Le socle mythique des interdits conduit au combat public pour l’eau, qui ne peut laisser indifférent le citoyen, le politique, l’enseignant ni l’entrepreneur : une grande ville attire également parce que les conditions sanitaires y sont de qualité. Récupérer l’eau de pluie à titre individuel est permis, la consommer non. En 1870, Paris assortit son système de veille en eau potable de gracieuses fontaines en fonte, conçues par le philanthrope britannique Wallace qui offrit son talent et son argent à la reconstruction sanitaire et l’embellissement de la Ville. Les plus grands édifices, hautes de plus de deux mètres, sont ornées des quatre nymphes de la Fontaine des Innocents, qui symbolisent les vertus et les saisons : Simplicité et Sobriété ont les yeux fermés, Bonté et Charité les gardent ouverts[5]. Sans distinction, passants, touristes et indigents ont accès à ces édifices, qui forment « l’aquapuncture » des cent-vingt centres d’eau potable des vingt arrondissements de Paris. Ce terme dérivé de « l’acupuncture urbaine », mise en œuvre par Jaime Lerner au Brésil[6], illustre merveilleusement cette démarche de revitalisation rapide prônée par l’architecte contemporain.
Philosophie des gouttes créatives
Cette longue boucle sur les origines d’un service public, performant et de qualité, doit faire réfléchir à nos ressentis en matière de prospective. La conseillère régionale Michèle Gaspalou signale que la Région Île de France a distingué le thème de l’eau pour année 2014. Les villes vont vers l’eau qui symbolise également la facilité des transports. Le service de l’eau correspond à des usages familiers et rend à la population, pauvre comme aisée, des services immédiats. Citons l’implantation récente de la Brasserie de la Goutte d’or, qui fabrique de la bière artisanale, dans le XVIIIème arrondissement, avec des noms qui font revivre un passé populaire : « La Môme », « Château rouge », « Ernestine » ou « Myrrha »… Penser l’innovation en terme de qualité de vie est rappelons le, une pensée révolutionnaire qui a des retombées fondamentales. Au XIXème siècle, l’État (napoléonien puis républicain) a mis de gros moyens en œuvre pour éradiquer les maladies et améliorer le confort moderne. Il ne s’agit pas que de moyens mais de philosophie et de confiance dans les compétences et le travail des hommes. Jacques Rancière a consacré un livre en 1987, Le maitre ignorant[7], à un pédagogue oublié de la Révolution, Joseph Jacotot (1770-1840) qui prônait la confiance comme base principale de l’éducation, de l’émancipation et de l’innovation. Nul n’a besoin de guide savant pour progresser en connaissances : seul suffisent l’accompagnement dans l’effort et la vigilance éthique. Parmi les soutiens de Jacotot, le général Lafayette, commandant de la garde nationale de Paris se passionna pour cette capillarité de sympathie qui suscite la connaissance.
Citons dans cette démarche, après la pensée de Jaime Lerner, la philosophie du vosgien Raymond Ruyer (1902-1987) sur la nature, l’origine et la finalité de l’information. Les ouvrages d’art destinés à l’acheminement des eaux ressemblent à cette typologie des « informations encadrantes » mise en place par Raymond Ruyer, qui n’ayant pas voulu des honneurs de la Sorbonne lui préféra Nancy et un relatif oubli. Comme l’eau, la véritable information est amorphe, non quantifiable et invisible, une sorte de « quasi information » mal acceptée des sciences classificatrices, mais qui seule pourtant, est source de performances extraordinaires. Le sens échappe à l’entropie par des ponts analogiques que seul le cerveau, cette structure vivante et irriguée, sait construire. C’est peut-être ce que disait déjà l’alchimiste et physicien Isaac Newton quand il soupirait : « Les hommes construisent trop de murs et pas assez de ponts ».
Parmi les discutantes du groupe « Créativités & Territoires », citons Hélène Xilakis[8] qui, titulaire d’une thèse de philosophie relative à la réception concrète des Droits de l’Homme en Grande Bretagne, travaille à ce jour avec Violaine Hacker sur le projet Comon Good Forum. Dominique Goulat (Complex’Cité), Dominique Marty et Michelle Stien ont accompagné Esther Dubois (fondatrice de Complex’Cité en 1990) qui mise sur le retour de la pratique expérimentale de terrain. Cette démarche concurrence désormais la matrice fondatrice d’une architecture de projet très française, basée sur le doublé statique du « concept » et de la « conception ». Michèle Stien, cofondatrice de la Coop SIC (avec les soutiens de Fazette Bordage et Ivan Matcheff), participe du dialogue contemporain sur le bien-être comme extension des Droits de l’Homme. Cette « pensée au cœur du lieu » irrigue des actions multiples, telle la dynamique des explorateurs de l’eau et le projet « porteurs d’eau », soutenu par la Fondation Danielle Mitterrand. Le parcours de Michelle Stien, comme celui d’Esther Dubois, est riche en médiations créatives, proche des Dialogues en humanités lyonnais et du Collectif richesses (Patrick Viveret). Fondatrice d’Innov‘sens, de jeux de médiation, de cercles de paroles, Michelle Stien explore et vitalise désormais la forme dix-neuvièmiste des Coop, dont cinquante-quatre pour cent des bénéfices sont réinvestis. C’est Patrick Pénicaud, venu de Saint-Quentin Versailles, qui glisse à ce moment la motion en trois P de la créativité transversale : Public/Privé/Populaire. En langage des oiseaux, les sons de ces trois P susurrent à l’oreille deux mots aux sens distincts : « l’anthropie » intéresse l’homme et son action, « l’entropie » qualifie le degré de désordre d’un système. Deux vocables homophones bien différents, qui, comme l’eau qui les tisse, supposent un entendement ondoyant… prélude à un vrai dialogue de recherche.
Eaux mêlées et personnes ressources
André Brouchet évoque, parmi les multiples associations auxquelles il participe, l’Agence ressource des entreprises locales (AREAL) dont la mission est de détecter les personnes ressources d’un pays ou d’un lieu. Esther Dubois développe quelques projets dans une dimension qui navigue entre le confort, la douceur et le besoin de beauté, dans une dimension proche de la géopoétique de Kenneth White[9]. Poète, coach, conseil d’entreprise et de collectivités locales, cette femme active et d’influence a lancé à Levallois où elle vit, un premier dialogue municipal sur le thème du vivre ensemble dans la beauté et elle collabore à une start up qui imagine des environnements audiovisuels relaxants pour des spas. Sur les côtes armoricaines, elle dialogue avec l’Association des Cadres Bretons (ACB)[10], avec la Maison de la Bretagne ainsi que l’Association maritime de Nantes-Saint Nazaire qui regroupe cinquante-deux associations liées à la mer. L’Association des Cadres Bretons pour exemple, définit ses actions autour des trois axes de l’innovation, de l’internationalisation et du développement durable. Est Breton qui le désire : une affaire de cœur et d’adoption. Dans cette démarche systémique, Esther enquête également sur les potentialités de l’Institut de l’Homme & de la Technologie initié par le Poly Tech-université de Nantes. Elle évoque les chemins d’eau comme les voies éducatives naturelles des territoires, comme autrefois les chemins de halage, qui ont inspiré et nourri une longue tradition populaire de l’Europe de l’Est jusqu’à la Russie. Cette réflexion qui se construit se rapproche de l’association Écologie Industrielle Estuaire qui, née en 2010 du Grenelle de l’Estuaire[11], regroupe des collectivités territoriales (vallée de Seine, Pays de Caux, Risle Estuaire et pays du Havre pointe de Caux) avec des décideurs économiques (Havre, Rouen, Fécamp, Estuaire Seine), des syndicats et associations (Écologie pour le Havre, Lillebonne, etc.). L’écologie industrielle travaille dans la perspective d’un écosystème décarboné, attentif au recyclage et fort d’une approche coopérative, avec des personnalités telles que Jean-Claude Weiss et Philippe Bodard[12].
Camille They[13] se définit comme une artiste scénographe qui fait la part belle aux jardins (« jardin éco-poétique ») et aux paysages urbains : florigrammes et lithogrammes, du nom de ses créations, décorent l’impasse Simon, non loin de Mains d’Œuvres. Elle travaille avec la structure Via paysage avec Alexis Durand-Jeanson, également présent lors de la rencontre au Pavillon de l’eau. Via-paysage se définit comme une association-réseau « nationale et francophone », dont certaines actions d’essaimage, tel le projet nomade Module Nomade Urbain (MNU) 2014, sont coordonnées par l’agence Prima Terra. Le jardin du « 16 bis à Saint-Ouen » symbolise ces actions éphémères qui donneront lieu à une présentation croisée à Paris et à Saint-Ouen, lors de la Biennale artistique « Saint-Ouen, Traversée d’arts 2014 » qui se déroulera du 4 au 18 mai prochain.
Le paysagiste Jacky Libaud[14] et le plasticien Olivier Mauchauffée développent des pratiques nomades complémentaires, dont ils décrivent les surprises saisonnières depuis quelques réunions « Créativités & Territoires ». Ces balades allient l’histoire, la botanique, le paysagisme, l’ornithologie, l’architecture, dans une déambulation accessible à tous les publics. Le 18 mai, Balades aux jardins participe d’un grand Troc vert à Montreuil et le 26 mai, le collectif (Culture)s (Urbaine)s organise le deuxième Troc Vert Festif du XVIIIème, à l’angle des rues Poissonniers et Poulet. Comme en Afrique, les adresses se définissent de plus en plus sur des angles, des intersections et des lieux dits qui permettent l’écoulement des denrées et des personnes.
Le styliste Olivier Mauchauffée, décrit les inattendus de ses Parcours d’Art[15], qui se tissent lors de ses déambulations parisiennes dans les galeries, réveillant des notions telles que « l’art et le bricolage » ou « l’aura de l’art contemporain ». La psychosociologue Dominique Marty, imagine un futur centre de ressourcement personnel sur péniche, dans cette instabilité installée de l’eau.
Dans une démarche complémentaire, Dominique Doré (Les Babayagas, Montreuil et réseau des SELs) signale le développement depuis 2008 d’un Réseau pour les Alternatives Forestières qui se constitue en veille des projets nationaux relatifs à la forêt. L’association nationale RELIER (Réseau d’Expérimentation et de Liaison des Initiatives en Espace Rural[16]), à l’origine de cette initiative, conjugue depuis 1984 la création d’activités, l’habitat, la forêt et l’agriruralité, dans des dialogues démocratiques et propositions d’éducation populaire. Ce réseau expérimente des actions telles que « jardiner la forêt » et des ressources anciennes telles que le débardage à cheval. Dominique Doré remarque que la date du 18 mai, déjà signalée pour de multiples actions associatives publiques correspond également à la journée de l’Habitat Participatif.
La parole de l’eau
Gaston Bachelard, en intimité avec les eaux, évoque en conclusion de son ouvrage la « parole de l’eau », qui relie en musique la « morale de l’eau », tour à tout douce et violente, lustrale et bienfaisante. Là encore la fluidité des langues s’accorde avec le chatoiement des eaux. L’information psychologique est paradoxalement directrice et amorphe, afin de constituer au mieux une cohérence de sens. En ce début d’année symboliquement mue par la double hélice des vœux et les élections, un état des ressources s’impose naturellement : depuis 2008, la Plate-Forme nomade « Créativités &Territoires » offre en lecture pérenne le déroulé de ses dialogues et de méditations brassées par la dryade Dallet sur le site de l’Institut Charles Cros (www.institut-charles-cros.eu). En indispensable complément, le site créativité-et-territoires.org alimenté du Poitou-Charentes par le sourcier Denieul, offre un éventail d’informations nationales sur les expériences de créativité sur les territoires. Google peut, comme la plus sûre des baguettes radiesthésistes, retrouver dans le lacis des annonces, ce double bief associatif des expériences créatives dans les territoires.
Par capillarité et par sympathie, l’expérience nationale « Créa &T » construit des systèmes d’irrigation subtils et diversifiés en régions : Cora Klein en Alsace, Fazette Bordage sur différents chantiers de Saint-Ouen au Havre, Georges Dhers en Midi-Pyrénées, Stéphanie Frobert en Auvergne, Yvette Lazerri à Aix en Provence, Pierre Alzingre en pays de Lunel, Françoise Thuile à Montpellier (université d’été « Emploi, Compétences & Territoires »)… et bien d’autres acteurs de terrain, associatifs, institutionnels, chercheurs et bénévoles, qui travaillent en connexions sensibles, attentifs à stimuler des expériences de terrain et à en préserver la diversité.
En ce début d’année, point n’est besoin de rappeler la pérennité de la Plate-Forme qui, depuis le 14 mai 2008, continue son petit chemin de halage en bottes de sept lieux et veille aux résurgences de sources rares du bien commun.
Sylvie Dallet (12 mars 2014)
[1] Parmi les films qui questionnent la future crise de l’eau, signalons le documentaire distribué par la coopérative audiovisuelle Les Mutins du Pangée : Water makes money de Leslie Franke et Herdolor Lorenz, coproduit à Hambourg.
[2] Le jardin des Sculptures de Chessy en Brie offre un paysage étonnant de figures symboliques géantes sur une boucle de la Marne, naguère port viking. La rivière, compagne sereine de la Nature arborée qui accueille les sculptures offre à chaque saison un paysage étonnant. Jacques Servières y officie seul, partagé entre sa passion du soin, de la nature et des voyages spirituels.
[3] Eau de Paris est une régie chargée de l’approvisionnement en eau depuis le 1er mai 2009 et de la distribution depuis le 1er janvier 2010.
[4] L’activité heuristique et scientifique de Belgrand témoigne de cette liberté d’entreprendre, dans le service public comme dans le privé, les arts et la littérature qui caractérise le XIXème siècle français. Pour exemple, Belgrand, inventeur pionnier des égouts et des aqueducs, a également donné son nom à une catégorie de cerf préhistorique géant retrouvé à Montreuil-sous-Bois : le Cervus belgrandi… L’hydrologie comme les travaux souterrains l’ont conduit à s’intéresser aux formations géologiques les plus récentes et à introduire la première classification des terrains alluviaux quaternaires du bassin parisien. Belgrand effectue un relevé systématique des fossiles (notamment des ossements d’aurochs dans les sablières Savart et Trimoulet de Montreuil et un humérus fossile d’éléphant d’une longueur d’un mètre trente), décrivant, outre le Cervus belgrandi, l’Ursus speloeus, le Rhinoceros etruscus, le Rhinoceros tichorhinus et bien d’autres espèces « anté-historiques »), mais aussi des silex taillés et des pierres polies.
[5] Simplicité symbolise le printemps, Charité l’été, Sobriété l’automne et Bonté l’hiver.
[6] Jaime Lerner, Acupuncture urbaine, Harmattan, 2006.
[7] « Dans la situation expérimentale créée par Jacotot, l’élève était lié à une volonté, celle de Jacotot, et à une intelligence, celle du livre, entièrement distinctes. On appellera émancipation la différence maintenue des deux rapports, l’acte d’une intelligence qui n’obéit qu’à elle-même, lors-même que la volonté obéit à une autre volonté. »
[8] elenixilakis@gmail.com. Violaine Hacker, docteur en droit s’est spécialisée dans la dialectique européenne « Bien commun, biens communs ». Consulter l’article : « Cultiver la créativité, corollaire de la diversité culturelle européenne », Géoéconomie 2011/3 (n° 58).
[9] L’essayiste Kenneth White a également signé un bel article « Vers un monde ouvert… », préfaçant le dernier ouvrage collectif de Sylvie Dallet & Élie Yazbek Savoirs de frontières (collection Éthiques de la Création Institut Charles Cros/Harmattan, 2013)
[10] L’ACB a fêté son cinquantenaire en 2013 : Réunis en 1963, autour de Jean Le Guellec, des Bretons de la région parisienne décidaient de mettre en commun leurs réseaux, leur capacité d’influence et leur talent au service d’une cause, d’une histoire, d’un projet, d’un territoire : la Bretagne.
[11] Le Grenelle de l’Estuaire regroupe en 2008 cinq pays de l’estuaire de la Seine pour une gestion optimale des ressources.
[12] Cf. l’article « Métamorphoses des lieux & territoires de demain », www, institut charles-cros.eu
[13] camille.they@orange.fr et vivapaysage@gmail.com
[14] Balades aux jardins, 11 rue Ernestine 75 018 Paris Tel fixe : 09 81 26 74 77 Tél mobile : 07 61 09 74 03 Email : contact@baladesauxjardins.fr
[15] parcoursdart@free.fr. Parcours parisiens accompagnés par Olivier Mauchauffée, les samedis deux fois par mois.
[16] RELIER, 1 rue Michelet, 12400 Sainte Affrique.
No. 1 — février 22nd, 2018 at 21:08
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