Pour une approche interculturelle de la communication : le tour du monde en 80 textes et visuels inédits
vendredi, 16 mars 2018
Parmi les interventions remarqués du colloque de Sétif (« La créativité des territoires, enjeux des formations durables ? »), la sociologue Yannick LEBTAHI, a présenté une méthodologie qu’elle expérimente à l’université de Lille 3 où, maîtresse de conférences Habilité à diriger des Recherches, elle exerce des responsabilités pédagogiques et de recherche. L’Institut Charles Cros édite sa contribution détaillée dans l’article qui suit.
Cet article s’appuie sur des dessins et des collages originaux réalisés par des étudiants, ainsi que sur un retour d’expérience anonymé (Monsieur X). Yannick Lebtahi en a sélectionné cinq, assortis des textes qui en sont le complément nécessaire. Ces parcours mis à l’oeuvre offrent une richesse extraordinaire de pensées intimes et professionnelles, dans la triade dynamique de la culture héritée, de la culture construite et de la culture projetée. La totalité des 80 visuels et textes liés sont consultables sur la base de données open source HAL : http://halshs.archives-ouvertes.fr
Pour une approche interculturelle de la communication : Le tour du monde en 80 textes et visuels inédits [1]
« Comprendre les enjeux de la communication dans un espace ouvert, dynamique et global m’a conduite à me préoccuper de la question de la culture et de l’identité, celles de mes publics dans un contexte particulier qu’est celui de la formation universitaire dans laquelle je dispense un enseignement en communication interculturelle.
Prendre en compte dans ma démarche ces préoccupations nouvelles m’a permis non seulement de consolider les liens entre la théorie et la pratique pédagogique dans une perspective plus critique, mais aussi de structurer une approche interculturelle de l’enseignement en communication. La prise en considération des réalités et des champs d’expérience sans cesse renouvelés impacte les modalités de la transmission de la connaissance, ce qui est devenu essentiel d’évaluer dans notre pratique.
En effet, les profonds changements dans l’offre de nos formations de plus en plus variées et tournées vers l’international ont engendré un certain nombre de transformations et de mises au point notamment dans la nature des déplacements, des flux des publics étudiants et par effet de rétroaction de mon propre regard et de mon implication.
L’identité des groupes est plurielle et les diversités culturelles en contextes de formation se confrontent dans un face-à-face enrichi par les spécificités socioculturelles, géopolitiques et historiques de chacun. La lisibilité des diversités, des complémentarités et des antagonismes est un préalable pour approcher la notion de communication interculturelle. Cette notion, je le rappelle, a des acceptions et des sens souvent flous et variés. Edgar Morin l’évoque comme étant « un tourbillon fait d’interactions et d’interférence entre de multiples dialogiques »[2].
En provenance de diverses régions du monde, les étudiants ont une expérience de formation dans une université étrangère, autre que celles de leur pays d’origine et tous ont en commun d’avoir fait le choix de poursuivre leur parcours de formation en France. C’est au cours de cette dernière étape de leur cycle de formation, et avant leur insertion professionnelle, que je les rencontre.
Nous construisons ensemble un territoire d’actions, moment crucial et déterminant pour chacune des parties en présence. Par désir, par conviction, par non-choix ou selon leurs appartenances et leurs croyances, ils ont, pour la plupart, le projet de s’investir dans un « ailleurs ». Conscients et en prise avec le réel de notre monde, ils sont en quête d’une place. À la croisée d’une identité rêvée et d’une identité possible, je les sollicite en introduction par la mise en jeu d’un dispositif original et interactif ouvrant sur la mise à distance nécessaire à la réflexion, conduisant l’étudiant à s’interroger sur sa place actuelle et à identifier son désir du moment en relation avec diverses manières qu’il a de se projeter dans l’avenir. Sans pour autant procéder à un lissage du projet individuel au profit du projet pédagogique, j’ai voulu ainsi saisir la problématique culturelle et identitaire de l’étudiant et l’amener à prendre conscience de son intersubjectivité au sens de Habermas afin qu’il soit un acteur agissant sur la structuration de son projet de formation, de son projet de recherche ou de son projet professionnel en interaction avec l’autre et la société. Car l’objectif de notre mission est bien, me semble-t-il, au-delà de la transmission des savoirs, d’assurer un accompagnement des publics pour leur garantir une meilleure intégration au sein de la sphère professionnelle et de l’espace public tout entier.
C’est alors qu’en guise d’ouverture à notre rencontre, je propose aux étudiants de réfléchir sur la définition de leur culture à partir d’un exercice que j’ai conçu au fil de mes interrogations scientifiques. En introduction, je montre en prenant appui sur les postulats de Jean Claude Dubar que « nous avons des identités héritées, que les identités acquises sont plus ou moins en cohérence et en contradiction, et enfin que les identités réintègrent d’autres éléments que le travail ou la position professionnelle[3]. » Il se trouve que c’est justement par la culture que « nous essayons de retrouver des identités qui vont nous permettre alors de travailler les contradictions parce que dans les statuts sociaux nous ne savons pas très bien qui nous sommes, où nous sommes. Ces statuts sont plus ou moins fragiles et précaires, nous risquons de plus en plus d’être déplacés, délogés. Et qu’en délocalisant les entreprises, nous avons aussi délogé les identités »[4].
Nourrie par les différentes expériences que l’étudiant a acquises tout au long de son cheminement et de ses déplacements, la réflexion s’engage comme un moment privilégié, mais nécessaire pour la poursuite de nos échanges. Ce détour dans ma pratique pédagogique se concentre sur l’individu ou sur le sujet comme préalable à toute entreprise.
Car, en effet, comment pourra-t-il œuvrer – demain – à l’international dans une organisation multi ou interculturelle, s’il n’a pas pris conscience ou mesuré la nature des enjeux auxquels il va être confronté ? Comment sera-t-il en mesure d’agir dans l’espace public et organisationnel s’il ne maîtrise pas les grandes lignes de sa trajectoire culturelle et identitaire ? Comment va-t-il se positionner en tant qu’acteur du point de vue éthique au regard de celles-ci ? Et, comment va-t-il évaluer et ajuster la décision dans l’élaboration de son projet et construire son identité professionnelle ?
Concrètement, je demande à l’étudiant de produire un texte à propos de sa culture selon une structure en trois points :
Culture Héritée
Culture construite ⧍ Culture projetée
La culture et l’identité ne peuvent être considérées comme ayant un caractère stable ou figé que l’acteur social ou l’individu aurait reçu en héritage. C’est dans un processus dynamique et complexe que l’une et l’autre s’inscrivent en prise avec l’histoire des groupes sociaux. En prenant part à la construction de l’histoire collective, sans cesse re-visitée et re-nouvelée, l’individu se façonne et négocie sa place dans son rapport à l’autre. À la frontière entre l’intime et le collectif, et dans un cadre de valeurs et de sens partagés l’individu se découvre « culturellement »[5].
Ce texte original, très personnel et fondateur n’est pas lu ni même partagé avec les autres étudiants. Il permet à l’étudiant de réorganiser ce qu’il a et ce qu’il a intériorisé. En forme de miroir et de modèle, au sens d’Edmond Marc Lipiansky[6], le texte sert de premier matériau à la production d’un visuel pour laquelle j’impose deux contraintes : le format du carton A4 (210×297) et la réalisation qui doit s’effectuer dans le temps et dans l’espace de la séance. Par ailleurs, je laisse volontairement une entière liberté pour la composition créative.
Et, c’est seulement à partir de ce visuel que l’étudiant expose et partage les éléments définitoires de sa culture et de son identité avec le groupe.
Ce cheminement a pour objectif de montrer que l’identité personnelle oscille « entre la similitude et la différence »[7] avec les autres.
Nous observons alors collectivement comment la culture est un des facteurs qui détermine l’identité et l’altérité. La culture contribue ainsi à la découverte de l’identité, mais elle donne également une manière de voir le monde, de penser l’autre, celui qui est différent et cela pour une meilleure compréhension de la complexité de la dialogique interculturelle.
À propos de l’identité, Claude Dubar a montré comment les individus construisent des formes identitaires et que celles-ci ne dépendent pas seulement de leur passé ou de leur origine sociale. Elles résultent aussi d’expériences vécues au travail et en situation de formation[8].
Placé dans un processus réflexif, l’individu/l’étudiant est alors amené à entrevoir – comme une opportunité – l’architecture de son identité et de sa culture. Quelles combinatoires identitaires et culturelles va-t-il organiser pour se mettre en jeu dans la sphère professionnelle ? Vers quelle culture organisationnelle va-t-il pouvoir négocier sa place de façon cohérente ? Car, « s’agissant de la quête de la place (…), la différence n’est pas tant être placé ou non placé, être le chômeur ou le salarié ; il s’agit du mouvement entre deux places, qui concernent, la mémoire des places et le replacement de la mémoire. »[9]
Cette mise à distance lui permet de se définir dans ses positions et dans ses orientations, dans ses appartenances et dans ses projections, ce qui est censé lui procurer une forme d’aisance dans les relations et dans les coopérations humaines. Et c’est aussi à partir de toutes les nouvelles formes d’hybridation – entre réalité et fiction – que l’individu va se construire. Les travaux en retour des étudiants ont montré combien l’exercice a fait sens de leur point de vue et comment il est venu stimuler leur capacité d’agir en conscience ce qui m’a encouragé à poursuivre dans ma démarche.
Devenir solidaire et participer à la construction de notre monde, se penser comme un acteur responsable au sein des organisations internationales, assurer la continuité et assumer les décisions et les orientations, telles sont les visées de cette pratique ré-créative et pédagogique.
Ce préalable à mon enseignement fonctionne c La confrontation des expériences à partir du visuel que l’étudiant a produit et qu’il partage avec le groupe permet d’enclencher une dynamique particulière fondée sur le lien social pour aborder ce que recouvre la notion d’interculturalité à partir d’un processus alliant création et projection, identification et réalisation.
Retour d’expérience d’un étudiant, Monsieur X :
» J’ai vécu ce travail comme une pause, tout aussi structurante qu’essentielle, pour réfléchir sur moi-même et ce que je souhaitais faire de ma vie professionnelle. Le temps passe si vite qu’on oublie parfois de se recentrer et de faire le point. Exercice d’introspection, il permet de mieux se comprendre pour mieux appréhender les projets.
Si j’ai été réceptif, c’est parce que grâce à cette démarche j’ai pu comprendre d’où viennent certaines de mes envies et de mes ambitions, en remettant à la lumière certains éléments de mon passé que j’avais oubliés.
Par ailleurs, j’ai pris conscience de l’importance de la culture dans laquelle j’ai baigné lorsque j’étais enfant. Je savais que l’environnement était influent dans le développement identitaire, mais j’ai été surpris de constater jusqu’à quel point.
Ce travail de réflexion m’a amené à repenser la pertinence de mon projet professionnel. Réfléchir d’où je viens pour savoir où je veux aller m’a apporté comme un deuxième souffle de motivation pour mieux aborder mon enseignement dans les deux dernières années d’études.
De plus, avec du recul le lien par rapport à la formation s’est imposé comme une évidence : peut-on vraiment comprendre une culture étrangère si on ne connaît pas sa propre culture ?
La création d’un support visuel reprenant les éléments de notre culture m’a plu, car dans cet exercice j’y ai vu avant tout le côté ludique et créatif. Utilisation de ciseaux, de colle, de scotch, d’images, tous les moyens étaient bons pour exprimer notre identité à travers ce visuel au format A4.
Au premier abord, le côté « Arts plastiques » m’a un peu déstabilisé et étonné quant à sa pertinence vis-à-vis de notre formation. Rendre visible ma culture, mon construit identitaire et ma personnalité a été une épreuve pour moi.
Introverti d’origine, ce travail m’a apporté deux bénéfices prédominants : confiance en moi et prise de recul sur mes 25 années d’existences. La présentation de mon travail en face du groupe m’a permis de réaliser que je n’étais pas si différent des autres.
Le conformisme rassure et apaise.
Voir ma « vie » tenir sur une simple feuille A4 a fait naître une nouvelle perspective et un nouveau regard. Détachées et en recul, ma personnalité et mes expériences m’ont semblé plus solides, plus tangibles. Et par la même occasion, mes projets m’ont eux aussi semblé plus accessibles. Il est intéressant de noter aussi que ce cours a été vecteur de lien social entre les étudiants.
Entraide, partage de matériel, questions personnelles, jamais le lien n’a été aussi fort et le groupe d’étudiants aussi soudé.
J’ai pris plaisir à réaliser ce travail en dépit de mon appréhension initiale. Moins conventionnelle, moins académique cette séance s’est révélée aussi ludique que profonde. Les bénéfices que j’ai retirés se situent principalement au niveau personnel et vont m’aider dans mes décisions tout au long des prochains mois à venir. Prise de conscience, travail d’introspection, création de lien social, derrière l’apparente simplicité de ce cours se cache une progression réfléchie, intelligente et en fin de compte, entièrement pertinente vis-à-vis du programme de la formation.
Je me suis rendu compte qu’une culture de masse s’impose à nous avec ses valeurs et ses normes, mais qu’au fond, tout individu s’épanouit dans la différence et l’unité bien qu’il se conforme à des paramètres communs pour s’intégrer.
Monsieur X. »
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[1] Dans le contexte d’une pédagogie ouverte, interactive et créative.
[2] Edgar Morin, Penser l’Europe, Paris, Éditions Gallimard, 1987.
[3] Claude Dubar, La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, Éditions Armand Colin, 1998.
[4] Ibid.
[5] La culture correspondrait en quelque sorte au partage des significations produites dans les interactions sociales au sein d’un groupe historiquement constitué. Voir les travaux de Geneviève Vinsonneau à propos des notions de culture et d’identité, Le développement des notions de culture et d’identité : un itinéraire ambigu, 2002.
[6] Edmond Marc Lipiansky, « Le soi en psychanalyse » in : Jean-Claude Ruano-Borbalan, (Dir.), Identité(s) : L’individu, le groupe, la société, Auxerre, Éditions Sciences Humaines, 1998.
[7] Edmond Marc Lipiansky, « L’identité personnelle » in : Jean-Claude Ruano-Borbalan, (Dir.), Identité(s) : L’individu, le groupe, la société, Auxerre, Éditions Sciences Humaines, 1998.
[8] Évelyne Jardin, « Se construire une identité : entretien avec Claude Dubar » in Sciences Humaines, hors-série, n°40, mars, avril, mai 2003.
[9] Daniel Sibony, Entre-deux : l’origine en partage, Paris, Éditions du Seuil, 1991.
La culture, c’est la manière dont les humains humanisent la nature [1]
Athènes, 2012, © Yannick Lebtahi.
Premier témoignage :
« C’est à travers des facteurs tels que ma famille, mes racines, mon milieu de vie, l’école et mes amis que j’ai pu, au travers de diverses expériences, forger ma personnalité, mes traits de caractère et donc ma culture.
Ces caractéristiques permettent de me distinguer des autres et me rendent unique. Elles sont bien sûr vouées à se modifier au cours de ma vie, mais, elles jouent un rôle important dans la construction de mon identité qui a pris forme au cours de mon enfance.
Mes parents se sont mariés et m’ont eu plutôt tard ce qui fait qu’ils m’ont inculqué des valeurs que je qualifierais de traditionnelles et qui malheureusement se perdent de plus en plus aujourd’hui. Je pense notamment à la politesse, au respect des autres et de soi-même, au partage, à l’honnêteté et à la confiance, aux responsabilités, mais aussi à l’amour. Ces valeurs m’ont permis de mieux vivre en société et de devenir moi.
Le fait également que mes parents soient enfants uniques, comme moi, a fait que je suis restée très liée et proche de ma famille.
En effet, je pense que la famille est le seul point auquel il est toujours possible de se rattacher. Toujours là quand nous avons besoin d’elle, la famille m’apporte un repère, un ancrage et elle ne me laissera jamais tomber.
Je suis Française de pure souche : mes grands-parents maternels sont nés en Charente-Maritime du côté de La Rochelle, ainsi que ma mère et mes grands-parents paternels sont de la Gironde et sont eux aussi, tout comme mon père, nés aux alentours de Bordeaux. Je suis moi-même née à La Rochelle et nous vivons depuis l’âge de mes 3 ans à Cognac.
Je suis donc originaire de la région Poitou Charente.
Malgré le chauvinisme que je voue à ma région, dès la fin du lycée, j’ai voulu la quitter. Beaucoup sont restés dans la région tous ensembles dans la même bulle. Pour ma part, j’ai fui cette routine quelque peu pesante.
Je suis partie à Nantes en Classe préparatoire Littéraire. Il est difficile c’est vrai de partir loin de ses proches et de ne rentrer que rarement, mais cela m’a néanmoins enrichie. J’ai rencontré de nouvelles personnes avec qui je suis restée très proche et j’ai découvert une nouvelle ville. J’ai commencé à me débrouiller seule, mais j’ai subi aussi quelques échecs : des difficultés, la solitude, le mal-être.
J’étais trop gentille peut-être trop naïve et tout comme le père de Franck dans le film Ressources Humaines de Laurent Cantet, je me suis fait avoir. L’hypocrisie, la méchanceté de petites filles mesquines et jalouses, j’en ai souffert.
Mais, c’est aussi ce vécu qui m’a forgé et qui m’a aidé à me construire.
En échouant mon année en classe préparatoire, j’ai perdu toute confiance en moi et je me suis remise en question.
Je suis devenue anxieuse.
Ma mère est enseignante. Du primaire au lycée, nous étions dans le même établissement. Depuis toute petite, je l’ai toujours vu corriger ses copies ou rédiger des journaux intimes. Je me suis mise alors à l’imiter et aujourd’hui encore je me surprends à faire comme elle.
Mon père, aujourd’hui à la retraite, était militaire. L’ordre était alors de rigueur même si j’étais entourée d’amour. Ensemble, nous partions en voyage à l’occasion des vacances. Nous avons fait une grande partie du tour de la France puis nous avons commencé à aller en Outre-Atlantique aux les États-Unis, L’Océanie et l’Afrique.
J’ai eu envie de capturer ces moments magiques en images et c’est comme cela que la photographie est devenue une de mes passions.
Toutes ces expériences m’ont donné le goût pour les langues, les voyages, l’envie de découvrir l’autre et de nouvelles cultures. Et, elles ont orienté mon parcours de formation. J’ai intégré une double licence de Relations Internationales, Traduction et Interprétation.
Pour cela, je suis partie à Lyon pour trois ans.
Nouvelle ville, encore. Nouvelles personnes, encore.
Ma formation me plaisait beaucoup. Lors de la première année, j’ai même passé 8 mois en Australie. Cela faisait partie du contrat : partir en immersion totale dans un pays anglo-saxon.
Partir toujours plus loin… Seule.
J’ai suis partie dans un pays totalement inconnu et à l’autre bout du monde. J’ai vraiment dû me débrouiller seule, chercher un appartement, un travail, régler les problèmes, m’adapter.
Ce fut si fabuleux que lorsque je suis revenue en France, grandie et enrichie de cette expérience réussie, je ne voulais même plus rester y rester !
Ce qui fait également partie de moi et qui m’a été inculqué dans mon jeune âge, ce sont les Arts.
Mon arrière grand-père était musicien. Quant à ma mère et ma grand-mère, elles chantent à leurs heures perdues. Tout naturellement que j’ai voulu faire de la musique ainsi j’ai derrière moi plus de 10 ans de conservatoire : violon, orchestre, solfège, chorale. J’ai hérité du don de mon père pour ce qui est du dessin et j’aimais faire des stages de peinture au cours de l’été. Et enfin, j’ai une formation de 15 ans en danse classique, parfait exécutoire, mêlant sport, rigueur et beauté.
Enfant unique. J’aime cette solitude.
C’est ce qui a fait de moi en quelque sorte quelqu’un d’indépendant pouvant partir sans soucis malgré ses attaches.
Je n’en oublie pas amis. Qu’ils soient de Cognac, de Nantes, de Lyon, d’Australie ou de Lille, je n’oublie pas mes amis. Certains sont partis, les autres sont restés et d’autres sont arrivés.
La vie a elle-même fait le tri, parfois difficile, mais tous m’ont apporté beaucoup et m’ont permis d’avancer.
Bien que mon projet futur reste encore flou, j’aimerai conserver toutes ces valeurs.
J’ai des craintes vis-à-vis de l’avenir et de multiples questions sans réponses se posent à moi.
Alors, je pars du principe que « Life is like photography, we develop from the negatives ».
Témoignage 2
« La première grande valeur qui ressort de ma culture, c’est l’amour. Mais pas un amour dont on parle, un amour qui va de soi, qui est omniprésent et qui guide nos relations et nos actions sans qu’on y réfléchisse.
Très tôt, j’ai reçu de l’éducation de mes parents et de ma famille les valeurs de fraternité, de loyauté et d’intégrité. La famille a toujours eu une place majeure dans ma vie. Nous formons une équipe forte, soudée et invincible. Malgré les distances qui nous séparent, on a toujours su garder des liens privilégiés et solides. Avec mes frères, avec qui j’ai très peu d’écart d’âge, nous faisions toujours tout ensemble dans notre enfance même si la plupart du temps c’était la bagarre. On ne se dit pas « je t’aime », dans ma culture ça ne se dit pas entre frangins. Pourtant je sais que plus que personne au monde je peux compter sur eux et que quoi qu’il arrive on est là les uns pour les autres, nous l’avons toujours été et nous le serons toujours.
Cette valeur familiale très forte m’a appris quelque chose de très important : accepter l’autre tel qu’il est et à travers tous les aléas de la vie et du quotidien. Elle m’a aussi enseigné l’entraide et le partage. Mes parents
: de par ses traditions fortes et ce qu’elles intègrent : les relations entretenues avec les gens, les codes de conduites, les expressions et les visions du monde.
Autour de cet environnement, il y a les traditions liées au pays où j’ai grandi : la France. Bien que je n’ai pas reçu d’éducation se sont séparé très tôt ce qui m’a appris l’importance d’être battant, fort et indépendant dans la vie. Ma mère m’a aussi inculqué les notions de courage, d’exigence et d’intransigeance, en plus de la patience, de la paix et de la bonté. Mon père m’a fait découvrir l’art de la manipulation et la générosité.
Autour de ces valeurs, j’ai reçu par mon environnement à la campagne une culture axée sur la nature forte. La place de l’agriculture et du travail manuel en général ont toujours eu une place importante dans mon éducation et mes valeurs.
J’ai également été influencée par la culture bretonne religieuse, et que la laïcité et la gratuité de l’éducation ont été ma réalité, je baigne dans certaines traditions catholiques comme Noël. D’autre part, j’ai appris, à l’école républicaine française comme à la maison, des valeurs telles que l’importance de l’égalité entre les Hommes, les droits de l’Homme, la tolérance, le partage.
Je viens d’une classe moyenne et selon moi, je n’ai jamais manqué de rien.
J’aime voir que la culture n’est pas une barrière, mais au contraire une source de partage et de richesse des relations. Car je pense que découvrir et comprendre différents modes de pensée et de vie, nous grandi et nous aide à mieux comprendre le monde qui nous entoure et les relations qui nous lient aux gens. Et surtout nous aide à devenir meilleur. »
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Témoignage 3
The reason man does not experience his true cultural self is that until he experiences another self as valid he has little basis for validating his Own self. Edward T’Hall
« On peut définir la culture d’origine d’un individu par sa condition sociale, et au sens large à la civilisation à laquelle il appartient. Ma culture de départ, c’est celle dans laquelle je suis née et dans laquelle j’ai évolué. Née en France, c’est l’héritage français qui a conditionné mon identité. Souvent on détermine la culture française par son héritage artistique et historique. C’est-à-dire par ses différents mouvements littéraires et artistiques, mais également par sa gastronomie, ses Sciences et son Histoire. Cela semble peut-être réducteur de limiter toute une culture à ce type de clichés, mais c’est cette vision qui est projetée à l’international. La culture d’origine c’est également la culture, de l’ordre de la sphère intime, léguée par mes parents et au sens de la famille. Pour être plus précise. C’est leur passé, leurs choix, leurs conditions sociales, leur éducation qui corrèlent sur ma propre culture. Ce n’est pas de l’ordre du matériel, mais c’est plutôt la transmission de valeurs, de goûts et de préférences. Ces valeurs et croyances collectives sont ancrées dans mon inconscient et sont profondément enracinées.
Il est clair que la culture forge l’identité d’un individu.
Je suis la personne que je décide d’être. Dans cette phase de l’évolution d’un individu, l’expérience joue à mon avis un rôle primordial. La vie nous fait traverser des épreuves et il n’en tient qu’à nous seuls de prendre des décisions. Bons ou mauvais, nos choix nous aident dans notre apprentissage. Au-delà de la culture nationale, voire régionale, il existe des sous-cultures qui permettent à des individus de se définir. C’est le cas notamment lorsque l’on pratique un sport en particulier ou que l’on écoute un type spécifique de musique. .On se définit culturellement à mesure que le temps passe et que nos choix s’imposent. Notre culture construite n’est autre qu’un ensemble de valeurs propres à nous-mêmes. En effet, lors de mon séjour Erasmus j’ai eu la chance de suivre des cours en anglais. Lors de la remise d’un devoir, je me suis permis de demander l’avis de mon professeur sur la syntaxe de mon anglais. Très poliment, il m’a répondu que désormais l’anglais n’appartenait plus aux anglophones et qu’il était normal aux apprenants de la langue anglaise de garder les spécificités syntaxiques de leur langue maternelle. Pour lui, la langue française puise une grande partie de son influence chez nos chers philosophes des Lumières. Plus spécifiquement, de toujours illustrer nos arguments dans le but de convaincre, persuader et de délibérer. La culture est insaisissable, car toujours en mouvement, mais il me semble primordial de s’inspirer d’autrui et ne pas subir sa culture. Je souhaite projeter l’image d’une personne fière de ses valeurs d’origine, mais dont l’interculturalité lui a permis de sortir grandie et de tirer un profit philosophique et réfléchi de ses expériences.
L’interculturalité c’est la capacité de voir plus loin, d’observer les autres et leur culture et d’écouter ce que les autres ont à me dire. L’interculturel, c’est parfois faire face à un choc culturel, mais apprendre à gérer ce genre de situation. C’est également la facilité à s’adapter à un environnement différent du nôtre. Il est important d’aller au-delà du visible, de ce qui nous semble évident, pour comprendre l’autre. En effet, l’approche n’est pas la même selon les cultures. L’interculturalité semble donc intimement liée à la communication et l’interaction y est importante. Il ne faut pas appréhender la différence comme un problème, mais plutôt comme un moyen d’aiguiser notre intérêt et d’éveiller notre curiosité. Cela nous permet de nous ouvrir sur le monde et de sortir de notre ignorance et des clichés. Par ailleurs, connaître de nouvelles cultures nous permet d’avoir une certaine distanciation sur notre propre culture et de mieux la percevoir, sous tous ses aspects. »
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Témoignage 4
« J’ai grandi en France, dans la région du Pas-de-Calais, dans une famille non pratiquante avec mes deux parents et ma grand-mère maternelle que je voyais très régulièrement (les autres grands-parents étant décédés). Les membres de ma famille du côté maternel ont tous vécu en France à ma connaissance (pour ce qui est des quatre dernières générations), je peux dire donc que leur culture est française en ce qu’ils se sentent attacher à leur pays, à son histoire. Ils font preuve d’un attachement à leur région et n’ont pas de désir d’ailleurs. Du côté paternel en revanche, il y a un plus grand métissage. Mes grands-parents paternels étaient des Français/Algériens et vécurent en Algérie toute leur vie. Leur fils (père de mon père) s’installa au Maroc (dû aux conséquences de la guerre) et rencontra sa femme, une Landaise, qui devint la mère de mon père. Ainsi mon père passa son enfance au Maroc. Puis à ses 18 ans, il choisit de partir en France pour y étudier. Cette passion du voyage et l’envie d’ailleurs que je ressens provient certainement donc de mon côté paternel, peut-être est-ce inscrit dans les gènes ?
Il existe aussi une mixité de religions avec mes deux parents sans qu’aucun d’eux ne soit pratiquant. Mon père a grandi en relation avec la religion juive et ma mère est née dans une famille catholique. J’ai été élevée dans une laïcité totale tout en étant informée de l’histoire de chaque religion. Si je me suis intéressée à la fois à la culture juive et à la culture catholique, je n’ai jamais souhaité participer à l’un des deux cultes. Intérieurement, je ressens un attachement plus certain face à mes origines juives que catholiques, peut-être cela est-il dû au fait que mon père me parlait plus souvent de ses origines.
La culture que mes parents m’ont transmise c’est ce que j’appelle une culture ouverte c’est-à-dire qu’elle n’est basée sur aucun culte ou cadre stricte au contraire elle est ouverte au monde, aux différentes cultures, à la curiosité et à la compréhension. Il n’y a pas de codes stricts qui la régissent. Aussi quelque chose de très important à mes yeux est que nous avons beaucoup voyagé, ces voyages m’ont enrichit, ouvert les yeux et l’esprit.
La philosophie enseignée au lycée m’a aussi ouvert l’esprit sur de nouvelles questions et réflexions, il faut dire que j’avais un prof génial. Je me suis aussi beaucoup intéressée à la culture des rastas, née en Jamaïque, qui est à la fois un courant spirituel, religieux pour certains, et qui enseigne des règles de vie à appliquer au quotidien (comme le respect de l’autre, la critique du système capitaliste et du matérialisme, le respect d’une vie saine et naturelle ainsi que de bannir la consommation de chair animale et d’alcool). Puis est venu le temps de mes premiers voyages qui me firent sentir un grand changement dans mon for intérieur. Je me suis sentie évoluée, émancipée, j’ai vécu, découvert, appris. J’ai vécu quelques mois dans des pays où la pauvreté des gens est saisissante, où il y a peu de moyens, une manière de vivre totalement opposée à la manière occidentale, pourtant cette expérience m’a enrichit, je me suis adaptée très rapidement aux nouvelles conditions de vie qui se présentaient à moi. J’ai appris d’autres manières de vivre, d’autres codes culturels et j’ai apprécié chaque situation en me découvrant chaque fois un peu plus. Aujourd’hui je suis quelqu’un qui n’a pas peur du changement, qui est ouvert d’esprit et aux autres cultures, j’ai une profonde envie d’aventure et je ne redoute pas l’inconnu. Je sais que partout dans le monde il y a des choses à découvrir, de belles rencontres, et au grès de quelques efforts on peut trouver sa place. L’éloignement m’a également appris la place importante que tiennent la famille et les amis (ceux qui seront toujours là). En effet, l’éloignement provoque également un regard sur le passé et sur nous-mêmes.
Le moi n’est pas un, il est multiple et sa multiplicité crée son unicité. »
Témoignage 5
« Nos week-ends étaient passés le plus souvent chez ma grand-mère maternelle, qui dans la tradition des familles bourgeoises anglaises habitait une maison immense à la campagne totalement privée de quoi que ce soit comme confort moderne.
En 1991, mes parents décidèrent de partir vivre en France pour des raisons qui à ce jour restent inexpliquées. Nous nous installions donc en région bordelaise, et je fus scolarisée dans une école catholique privée, un calvaire à la fois pour moi, mes professeurs et mes parents. Je devins narquoise et paresseuse, et profitais de ce que je percevais comme l’ignorance provinciale de mes tourmenteurs en refusant tout ce qui me déplaisait sous des prétextes culturels – « Je ne mange pas de petits pois, car c’est contre ma religion ». C’était souvent très efficace. Suite à mon passage « sous réserve » en seconde générale, je fréquentai le lycée le plus proche de chez moi et passai les quatre années suivantes à regarder par la fenêtre. Je décrochais le baccalauréat in extremis, notamment grâce à mes notes en anglais et un 15 en Lettres, sorti de nulle part, et je m’en allai le cœur léger l’automne suivant à l’université. Les difficultés financières de mes parents me permirent d’obtenir une bourse d’études et une chambre en cité universitaire, et je m’adonnais volontiers à un certain type de vie étudiante qui négligeait les cours à huit heures au profit des soirées alcoolisées et les interminables discussions prétentieuses sur la nature de l’univers.
Dans ma cité universitaire, je découvris un monde convivial et extrêmement multiculturel et appris une cuisine aux influences fortement ibériques, voire nord-africaines – mais toujours simple et rapide, afin de pouvoir libérer la plaque chauffante pour la personne suivante. La ville de Bordeaux ayant pour moi tout de même peu de charme, je la quittai en 2004 pour m’installer à Toulouse alors que j’étais en troisième année de licence. Je passai par la suite une année à Montréal dans le cadre d’un échange universitaire, une période agréable, mais qui m’a finalement assez peu marquée, puis je me trouvais quasiment par accident assistante de langue dans une petite ville dans les Pouilles, au sud de l’Italie. Passé le choc de m’être retrouvée soudainement projetée trente ans en arrière, je m’épris de la beauté épurée de l’endroit et de son architecture géométrique, des personnes et de leur culture instinctive, de la chaleur simple des rapports.
De retour à Toulouse, je commençai à travailler en tant qu’enseignante d’anglais contractuelle avec la vague intention de passer le CAPES en interne. Trois années ainsi suffirent à me convaincre que je n’avais vraiment aucun désir de faire partie des rouages impuissants d’un système dépassé et inefficace ou de passer le reste de ma vie professionnelle bloquée dans un contexte, un pays. Je commençai par la même occasion à fréquenter des associations culturelles, recommençai à écrire, essayai d’être productive là où j’avais toujours consommé. Suite à un atelier de dix jours dans une ONG à Palerme, je décidai en juin 2011 de reprendre mes études et de m’orienter vers le développement international, en retenant un intérêt particulier pour la Méditerranée. J’espère ainsi trouver – ou créer – un fil conducteur parmi les morceaux de puzzle qu’a été mon parcours jusqu’ici. »
[1] En référence à Claude Lévi-Strauss.
No. 1 — novembre 7th, 2018 at 14:22
Magnifique ! Vraiment très instructif… 🙂